Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

« Emmanuel Macron, qui connaissait la contestation dans la rue, se voit désormais bousculé dans son propre camp »

Un moment suspendu. Mardi 19 décembre, alors que les parlementaires de la commission mixte paritaire (CMP) cherchent un compromis sur le projet de loi « immigration », un ministre, issu de la gauche, reçoit dans son hôtel particulier. Des dizaines de SMS tombent sur son portable. L’un critique cette « CMP de la honte » qui s’apprête à droitiser le texte. « Je ne comprends pas pourquoi vous voulez passer en force sur le projet de loi “immigration” avec l’aide de la droite dure, s’alarme un autre. Vous allez tout perdre ! » Un troisième menace : « Si tu cautionnes ça, tu n’es plus invité à la maison vendredi ! » Le ministre soupire. Il n’exclut pas qu’il y ait des départs du gouvernement. Lui-même s’interroge. Il rit jaune, devant son risotto carotte : « C’est peut-être le dernier repas… » Puis, se met à fredonner : « Si je meurs, je veux qu’on m’enterre !…  »
Ambiance crépusculaire en Macronie. Finalement, et ce n’est pas notre homme (qui est resté), un seul ministre (celui de la santé) a claqué la porte, ulcéré par ce texte écrit sous la dictée de la droite, qui reprend plusieurs antiennes du logiciel de l’extrême droite. Aurélien Rousseau a quitté son ministère mercredi soir à l’issue d’une violente explication avec le président de la République, applaudi par son cabinet qui lui a fait une haie d’honneur, quand les députés Renaissance ayant voté contre le texte croulent sous les messages de soutien. Après six ans d’un pouvoir sans partage, Emmanuel Macron, qui connaissait la contestation dans la rue (« gilets jaunes », réforme des retraites…), se voit désormais bousculé dans son propre camp. C’est un tournant.
Depuis mercredi, l’exécutif tente de minimiser l’ampleur de la crise politique, qui a succédé à la crise parlementaire. Sur le papier, Macron a gagné. Il n’a pas plié, obtenu ce qu’il voulait : un texte voté – sans recours au 49.3 – avant Noël, suscitant l’adhésion d’une majorité de Français. « Ce n’est pas le roi qui est nu, ce sont ses laquais », veut croire l’un de ses proches, qui ne pardonne pas « la fronde » de certains ministres ou députés.
Mais derrière ce rideau de fumée, la séquence fait de nombreux perdants dans le camp du président. Gérald Darmanin, qui n’a pas vu venir la motion de rejet. Elisabeth Borne, qui apparaît comme un soldat sans état d’âme, au mépris de convictions supposées de gauche. Emmanuel Macron, lui-même, qui se retrouve avec une majorité fracturée comme jamais et des tensions dans son gouvernement.
Il vous reste 60% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish